C’est fascinant, vous ne trouvez pas ?
Dans un monde où tout semble plus accessible, où la technologie nous offre mille et une façons de nous exprimer, prendre la parole reste, pour beaucoup, un acte subversif.
Un luxe, même. Une chance réservée à ceux qui ont la bonne couleur de peau, le bon genre, ou encore le bon pedigree social.
Oui, aujourd’hui encore, en 2024, tout le monde n’a pas le droit de parler.
Ou du moins, pas dans les mêmes conditions.
Prenons un exemple bien connu, celui de Rosa Parks. Une femme qui, en 1955, a simplement décidé de dire « non » en refusant de céder sa place à un Blanc dans un bus de Montgomery, Alabama.
Rien de bien dramatique en soi, me direz-vous !
Et pourtant, cet acte tout simple a déclenché une série de réactions en chaîne qui ont fait trembler les fondations du système ségrégationniste américain.
Parce qu’il faut le dire : quand vous êtes Noir·e et que vous osez prendre la parole, on vous rappelle bien vite que ce n’est pas votre place.
C’est là tout le paradoxe : la parole est censée être un droit fondamental, mais certains ont dû (et doivent encore) la conquérir comme on conquiert un territoire hostile.
On vous dit : « Bien sûr, vous pouvez parler, mais… pas ici, pas comme ça, pas trop fort. »
Et si vous refusez de respecter ces règles implicites, le retour de bâton est immédiat.
Malala Yousafzai, par exemple. Une jeune fille qui, en 2012, a osé dire tout haut ce que personne ne voulait entendre dans son pays : que les filles ont aussi le droit d’aller à l’école. Là encore, un message simple, direct, mais qui a suffi à en faire une cible des talibans.
Parce que oui, dans certaines régions du monde, prendre la parole peut vous coûter bien plus qu’un regard méprisant. Ça peut littéralement vous coûter la vie.
Malala l’a appris à ses dépens, et son histoire est là pour nous rappeler que, parfois, ouvrir la bouche n’est pas une option sans risque.
Ce qui est le plus ironique dans tout ça ? C’est que souvent, ceux qui parlent le plus sont ceux qui ont le moins à dire. Mais eux, ils ont le micro, ils ont l’audience, et surtout, ils ont la sécurité. Parce que quand on est un homme blanc, riche et éduqué, la parole coule de source. Elle vous est offerte sur un plateau, avec un petit nœud dessus, et si par hasard vous bafouillez, ne vous inquiétez pas, on vous tendra le micro une deuxième fois, voire une troisième. Parce que vous, vous avez le droit de vous tromper.
Mais parlons aussi de Josephine Baker. Voilà une femme qui savait danser, chanter et... résister. Et oui, pendant que certains la voyaient comme une simple artiste exotique, elle, elle voyait plus loin. Elle utilisait sa notoriété pour dénoncer le racisme, soutenir le mouvement des droits civiques aux États-Unis, tout en se battant pour la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale. Josephine, elle savait qu’ouvrir la bouche pouvait changer les choses.
Mais comme toujours, la question est : qui vous écoute ? Et combien de temps avant qu’on ne vous demande de retourner danser ?
La juge de la Cour suprême des États-Unis, Ruth Bader Ginsburg, qui a passé sa vie à faire ce que beaucoup considéraient impossible : défendre les droits des femmes dans un monde dirigé par des hommes. Ruth n’a pas crié, elle n’a pas fait de grands discours enflammés.
Elle a simplement pris la parole là où ça comptait : dans les tribunaux.
Et c’est là toute la beauté de la chose. Prendre la parole ne veut pas forcément dire parler fort, mais parfois, simplement s’assurer que vous êtes entendu.
Et enfin, comment ne pas mentionner Simone Veil ? Une femme qui, à elle seule, a porté sur ses épaules la réforme du droit à l’avortement en France. Elle a affronté un Parlement hostile, composé majoritairement d’hommes, et a défendu le droit des femmes à disposer de leur propre corps. La parole, pour elle, c’était un combat quotidien, une lutte de chaque instant pour se faire entendre au milieu d’un océan de voix masculines. Mais Simone a prouvé que, parfois, il suffit d’une voix, d’une seule, pour faire taire tout un chœur de détracteurs.
Ce que Rosa, Malala, Josephine, Ruth et Simone nous enseignent, c’est que la parole est une arme redoutable. Mais c’est aussi une arme à double tranchant. Car si elle peut élever, elle peut aussi rabaisser. Si elle peut libérer, elle peut aussi asservir. Le véritable pouvoir réside dans celui qui tient le micro, et il n’est pas donné à tout le monde de s’en emparer.
C’est là l'inégalité fondamentale de notre société : tout le monde peut théoriquement parler, mais tout le monde ne peut pas être entendu. Et pire encore, certains n’ont même pas le droit d’essayer.
Alors, la prochaine fois que vous entendrez quelqu’un dire que la prise de parole est un droit, pensez-y à deux fois.
Ce droit, il a été arraché de haute lutte par des générations de femmes et d’hommes qui ont osé ouvrir la bouche alors qu’on leur demandait de se taire.
Et aujourd’hui encore, ce n’est pas un acquis. Tant que certaines voix sont réduites au silence, la prise de parole restera un privilège, réservé à une minorité.
La parole n’est pas une prise de tête, c’est une prise de pouvoir. Et c’est ce qui rend son inégalité si profondément injuste.
Anne Van den Sande
Conférencière "La Prise de Parole n'est pas une Prise de Tête"
Formatrice Happy Talk
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